« Nouméa la Blanche ! » C’est ainsi que certains kanak souvent pro indépendantistes qualifient la capitale calédonienne. Elle est souvent perçue comme l’un des derniers bastions loyalistes à conquérir par les partisans du « OUI ». Toutefois cette affirmation est à nuancer au vu du constat de l’augmentation de population kanak qui réside en ville.
En effet, depuis les derniers recensements datant de 2019, il semble qu’un kanak sur 2 vit désormais en ville. L’image d’Epinal du kanak vivant en tribu selon ses coutumes est aujourd’hui à revoir même si une grande majorité continue de vivre au sein de leurs structures communautaires dans l’Intérieur et les îles. D’ailleurs proposer une vision binaire entre kanak des tribus et kanak de de la ville (ou « kanak d’appartement » comme le chante Hyarison) serait assez réducteur : beaucoup de kanak estiment habiter ces deux espaces, comme l’indique Christine Hamelin dans son chapitre « Les gens de Nouméa » Mutations et permanences en milieu urbain » dans l’ouvrage collectif « En pays Kanak » codirigé par Alban Bensa et Isabelle Leblic, elle y évoque la notion de « bilocalité » (p351) : « Nous, on vit à la tribu et on vit à Nouméa » selon le témoignage d’une femme originaire des Loyauté et mariée sur la Grande Terre..(p350).
Il faut rappeler qu’historiquement, le code de l’Indigénat les oblige à vivre dans des réserves entre 1885 et 1946. Après cette date, ils deviennent citoyens et le boom du Nickel dans les années 60 viendra accélérer leur migration vers la capitale.
Cette forte présence des kanak et d’autres ethnies océaniennes (wallisiennes, futuniennes, vanuataises…) fait- elle de Nouméa une ville océanienne ? En somme : les Océaniens dans la ville font-ils la ville océanienne ?
Sans doute qu’au préalable, certaines notions doivent être explicitées : qu’est-ce qu’un Océanien ? Qu’est-ce qu’une ville océanienne ? Nous partons du postulat que l’Océanien est l’insulaire de cet Océan Pacifique mais nous nous intéresserons en particulier aux kanak. Quant à la définition de la ville océanienne, c’est justement le nœud de notre réflexion : une ville habitée par des océaniens suffit-elle à la qualifier de ville Océanienne ? Existe-t-il des caractéristiques inhérentes à une ville océanienne ? Retrouve-t-on des caractères communs aux villes océaniennes de ce vaste Océan ? Le sujet pourrait sans doute faire l’objet d’un travail de recherche plus approfondi…
Autre notion centrale : la question de l’urbanité qui doit permettre de comprendre comment
Les kanak s’approprient l’espace urbain et quels impacts cela induit dans leur rapport à leur culture et à leur identité. Quelles sont leurs pratiques urbaines ? Et comment ces pratiques façonnent-elles des nouvelles « manières d’habiter » la ville, voire également la tribu ? Quel lien se crée entre les Océaniens et leur ville, leur quartier ? Peut-on parler de sentiment d’appartenance ? Ces nouveaux liens avec leurs nouveaux espaces de vie brouillent-ils l’identification de leurs repères socioculturels ou permettent-ils d’en reconfigurer de nouveau ? Voilà quelques questions que nous allons tenter d’aborder dans ce travail…
Nous proposons donc de voir dans une première partie : Alors que les Océaniens vivent en ville… (Partie A).
Puis dans une seconde partie, nous verrons que : …dorénavant la prise en compte des pratiques urbaines des Océaniens doit leur permettre de « vivre la ville Océanienne ». (Partie B).
A. Alors que les Océaniens vivent en ville…
A1. La ville, élément exogène du monde océanien et pôle socioéconomique
La ville apparaît pour les Océaniens comme un élément exogène apporté par la colonisation. Elle en est le point d’ancrage. En effet, elle impose de nouveaux repères dans le temps et dans l’espace. Elle oblige les Océaniens à intégrer des nouvelles règles de vie : le rapport à la loi. Elle refaçonne l’espace avec un centre qui cumule les polarités de pouvoirs (judiciaire, politique, administratif et économique) et des périphéries.
Son essor va engendrer une attractivité qui ne se démentira pas durant les dernières décennies : en effet, elle concentre les infrastructures administratives et institutionnelles mais surtout elle favorise un pôle économique qui « booste » le marché de l’emploi (en particulier dans le secteur du Nickel). Les Kanak de l’Intérieur et des îles mais également d’autres ethnies du Pacifique viendront s’installer durablement à Nouméa et dans les quartiers périphériques.
Ainsi l’un des premiers espaces urbains est Montravel et sa cité Mélanésienne. Les premiers travaux de constructions de ces logements débutent en 1957.
A2. Des nouvelles manières d’habiter
A l’exemple du quartier de Montravel, les premières familles kanak locataires puis propriétaires accueillirent leurs familles ou les membres de leur communauté dans leur maison. Il n’était pas rare de voir une quinzaine de jeunes gens vivant chez leur oncle, beau-frère ou membre de leur famille (Voir le témoignage de M. André Wénéhoua, originaire de Lifou et premier inspecteur pédagogique dans une émission de NC1ère). De nombreux cadres kanak ont tenté leur chance et ont percé dans ces conditions. Pour les propriétaires, il s’agissait de continuer à maintenir les liens avec leur famille et communauté d’origine, qu’ils soient des îles ou de la Grande-Terre.
Ces nouveaux espaces ont servi de passerelles voire de relais à des jeunes kanak afin de se familiariser à la vie urbaine et d’en comprendre les codes. Il n’est pas rare que les membres de la famille propriétaires servaient de tuteurs voire de « coach » pour leur inculquer les règles de la vie en ville. Ces pratiques continuent encore aujourd’hui, ainsi le témoignage recueilli de Benoit Carteron dans son ouvrage « Du quartier au Pays » : « Pour Mario, cet accueil est une occasion de socialisation des proches à la ville, de leur inculquer le respect des règles autres que celle qui régissent la vie à la tribu, avec l’idée d’établir des ponts entre « des pensées culturelles » et des philosophies de vie opposées » (p92).
Ces années de « galères » ne sont pas perçues comme telles par ces jeunes gens. Elles ont renforcé des liens de famille au sens large et elles sont souvent narrées avec nostalgie.
On peut penser que la situation politique du moment (peu favorable aux kanak) et la marginalisation de ces quartiers populaires ont généré un fort sentiment de cohésion et de solidarité. Dans une ville qui leur semble un peu étrange voire étrangère, le quartier de Montravel apparaît comme une « oasis » où les kanak se sentent comme en tribu (on l’a d’ailleurs souvent nommé comme la « tribu dans la ville ». Il n’était pas rare d’y voir l’organisation de mariages et de cérémonies coutumières. Cette solidarité s’élargit à des membres d’autres communautés. Le quartier devient dès lors l’espace du vivre-ensemble.
Autre phénomène à prendre en compte : la poussée des squats à Nouméa ou l’émergence des quartiers océaniens d’habitat spontané, comme le décrit Dorothée DUSSY dans son article « Tribus urbaines ou squats ? L’habitat océanien spontané de Nouméa ». Ainsi, elle évoque l’idée que ce choix d’habitat n’est pas strictement lié à des raisons économiques (des loyers élevés pour cette catégorie de populations océaniennes). Ce type d’espace installé dans des enclaves volontairement protégées ou isolées du reste de Nouméa permet une organisation sociale collective et de pratiquer des activités agricoles : « Une bonne partie des squats sont installés au bord de la mer ou de la mangrove et ne sont visibles que depuis le large… Les squats sont en effet des lieux de résidence, mais aussi et surtout des lieux de vie, et comprennent à ce titre une organisation de l’espace à un niveau collectif et pas seulement individuel… l’originalité de ces « squats » de Nouméa est de devoir leur existence initiale à la pratique d’activités agricoles dans le tissu urbain. »
Pour résumer, on transpose en ville une manière océanienne traditionnelle de vivre et d’organiser l’espace. Mais comme l’indique Dorothée Dussy, certains squats regroupent aujourd’hui des « temples et des lieux de prière, des terrains de sport sommaires pour le volley et la pétanque, des auvents réservés aux jeux tels que le bingo, et des nakamals où l’on consomme le kava ».
Ces lieux sont également traversés par des tensions avec la population blanche installée et certaines populations kanak sur la question du foncier : « Les squats de Nouméa sont le lieu d’une confrontation sociale et culturelle avec la population blanche de la ville « formelle », mais aussi le lieu d’une confrontation coutumière et politique entre Mélanésiens. »
A3. De nouvelles manières de faire lien
Comme indiqué précédemment, il faut insister sur le rôle des solidarités familiales et communautaires de ces premières populations de kanak locataires voire pour les plus chanceux de propriétaires. Les liens familiaux se renforcent et on peut supposer que cette génération de jeunes gens des îles et de la Grande-Terre ont fait perdurer ce lien au travers de cérémonies coutumières et autres aides dans leur parcours de vie. En Nengoné, un terme est souvent utilisé par cette génération de premiers « aventuriers » (ils quittent leur terre natale pour s’offrir un champ de possibles sur Nouméa) : il s’agit de l’expression « Ci era ». Elle exprime cet amour entre frères ou membres la même famille de même âge pendant ces moments difficiles. De nombreux discours coutumiers évoquent cette époque, en particulier lors de la disparition de l’une de ces personnes. Ces liens mêmes s’ils ne sont pas forcément de sang sont très forts. Ils résultent d’une histoire commune. Pour certains, c’était un peu « leur belle époque ». Cet ancrage résilient d’un passé commun d’une même génération a offert à ces jeunes gens de construire leur rêve de réussite pour leurs familles.
A côté de ces solidarités familiales et communautaires, il faut noter l’émergence de de nouvelles sociabilités en action (comme le démontre également Benoit Carteron dans ouvrage cité précédemment), sans doute accentué par la relative marginalisation de ces espaces. Dans ces quartiers populaires, les relations entre ces familles des îles, de la grande-Terre et d’autres ethnies se renforcent. Des dynamiques de solidarité, d’entraide et de cohésion font de ces espaces des lieux hybrides culturellement et socialement. Des pratiques culturelles se mélangent et des formes de solidarités se créent : des gens de la Grande-Terre amènent de la viande et des plantes, les gens des îles des ignames et du poisson. Les voisins participent et « donnent un coup de main » pour les travaux à la maison, le débroussaillage et toutes autres activités…
Les familles s’entraident et de nouveaux liens de « parenté » se créent : les jeunes ont de nouveaux « frères et sœurs » voire de nouveaux « parents » appartenant à d’autres îles voire à d’autres ethnies mais vivant dans le quartier. John Palène, étudiant en Anthropologie Océanienne l’évoque dans son mémoire de Master 1 EOP : « La notion de parenté va au-delà de la filiation de sang. Et par extension, cette évolution de la parenté devient inclusive contrairement à la parenté par filiation de sang qui est exclusive ». C’est ce que confirme effectivement le témoignage d’un « Vieux » de Maré, 79 ans (il arrive à Montravel en 1960 à l’âge de 19 ans) : « les jeunes gens des Loyauté et de la Grande-Terre que j’ai côtoyés pendant cette période sont des frères pour moi et je respectais leurs parents comme s’ils étaient le miens. Nous maintenons ce lien quand nous nous voyons. Il n’est pas rare quand je vais à Lifou par exemple que je loge chez l’un d’entre eux et que je garde sa voiture. Ce sont des relations très fortes. » Nous ne mesurons sans doute pas suffisamment la force de ces liens aujourd’hui.
C’est l’époque aussi de la co-éducation et de la co-responsabilité. Les parents du quartier surveillent et éduquent les enfants du quartier sans distinction. On note aussi l’importance des relais intergénérationnels : les jeunes du quartier s’identifient à des aînés (quelle que soit leur ethnie d’appartenance). Ce sont les grands frères et grandes sœurs. Ces groupes générationnels sont assez similaires aux groupes que l’on retrouve dans les tribus. Ces relations font naître un fort sentiment d’appartenance et l’on voit émerger de nouvelles identités de quartiers : Ravels (Montravel), Riverstar (Rivière-Salée), TSB (Tindu), Jazzback (Magenta Tours), Tawis (Vallée des Colons), Motor’s (Motor Pool) …
On peut également observer l’importance de nouveaux relais de sociabilités : les Eglises (en particulier l’EENCIL avant de devenir l’EPKNC qui fera construire un temple près de la cité Pierre Lenquette alors qu’elle n’existait pas encore), les activités associatives, les loisirs, les solidarités professionnelles, les partis politiques et sans doute le Nakamal. Ces espaces favorisent voire renforcent ces sociabilités multiculturelles mais permettent aussi de faciliter des regroupements communautaires.
Ces nouvelles manières d’habiter et de faire lien favorisent une reconfiguration des constructions identitaires des kanak (à associer au concept de la « reformulation permanente » de JM Tjibaou. Et elle irrigue aussi bien la ville que la tribu : des pratiques évoluent et de nouveaux repères socioculturels se formalisent. Mais c’est également le temps d’une énorme vitalité créatrice : le Kanéka émerge des quartiers et certains groupes de musique se font entendre comme Yata à Montravel. On peut affirmer que le festival « Mélanesia 2000 » bénéficiera aussi de l’effervescence et du dynamisme de ces associations mélanésiennes de l’époque.
Nous verrons donc comment l’urbanité refaçonne la construction identitaire de ces jeunes kanak (qu’ils soient en ville ou en tribu) et comment les pratiques urbaines de ces Océaniens peuvent donner des pistes sérieuses de politiques publiques afin de co-construire les contours d’une ville Océanienne.
B …dorénavant les pratiques urbaines des Océaniens doivent permettre de « vivre la ville océanienne »
B1. Nouvelles constructions identitaires et tensions
Il est souvent associé à l’urbanité des jeunes kanak son corollaire négatif de perte de repères. Ce discours sociologisant un peu réducteur et sans doute erroné (ce n’est pas la perte des repères mais c’est sans doute qu’ils ont changé) cible principalement le malaise des kanak en milieu urbain mais ne met pas suffisamment l’accent sur la capacité formidable de ces jeunes gens et de ces familles à s’approprier cet espace et à créer des pratiques urbaines innovantes qui fassent sens. Ces nouvelles pratiques favorisent l’émergence de nouveaux liens comme on l’a vu précédemment mais elles permettent d’enrichir leur identité et d’affirmer une pluri appartenance : je suis de la tribu de Nécé mais j’appartiens au quartier de Riverstar. Je joue au volley avec JSO (Jeunesse Sportive d’Ouvéa) et je suis trésorier de l’association de quartier etc.
Dans ces espaces périphériques du centre de Nouméa et quelque peu marginalisés, émergent des pépites d’innovation et de créativité au niveau culturel (Kaneka, Hip Hop, Slam, Théâtre de Pierre Gope…), social et économique (de nouvelles formes de solidarités : bingos et pétanques solidaires, pratiques coutumières calibrées à l’espace urbain, activités associatives de quartiers) …
Comme je l’ai indiqué précédemment, très tôt les jeunes de ces quartiers se revendiquent une identité urbaine parfois même de manière violente. Il n’était pas rare de voir à cette époque quelques « bastons » entre jeunes de différents quartiers. Une notion de territorialité était à prendre en compte même si on est loin des phénomènes de gangs que l’on retrouve dans les grandes villes européennes et surtout américaines.
Ce qui ressort principalement c’est le caractère hybride de ce mode de vie car populaire et océanien : on peut y voir une forme de résistance à « l’urbanisation uniformisante » et à l’imposition « de normes et de manière de vivre venant d’ailleurs en particulier de la France métropolitaine » comme l’indique dans son ouvrage Benoit Carteron (p166). C’est d’autant plus vrai en matière de logements. Nous verrons que les bailleurs sociaux tenteront de pallier ces incohérences au fil des ans.
Toutefois, les enjeux politiques et le calendrier des échéances référendaires brouillent l’émergence de cette culture commune de quartier qui existe de fait.
Ces tensions sont assez bien traduites par Benoit Carteron : « l’expression du sentiment d’appartenance renvoie aux tiraillements que vivent, de manière plus ou moins accentuée, les personnes entre la fidélité à un groupe et l’intégration dans un univers plus large. Il renvoie aussi et surtout au caractère prégnant du contentieux colonial, à sa déclinaison en deux perspectives nationalistes opposées, à l’ambivalence du lien à la France ainsi qu’aux frontières culturelles en apparence infranchissables maintenues entre non-kanak et kanak. » (p166).
Cette analyse rejoint plus globalement celle de John Passa et de Patrice Godin (tour à tour sociologue et anthropologue) qui voit la société calédonienne comme une société composite ou plurielle.
Il serait utile également de rappeler que l’urbanité ou son expression multiple ne se déploie pas seulement en ville. Les kanak se déplacent entre ville et tribu : il y a donc des interpénétrations de ces modes de vie. Il serait illusoire de penser que ces espaces restent vierges de toute influence : les frontières ne sont pas si étanches !
Les pratiques urbaines en tribu se traduisent de manière générale par les tenues vestimentaires, le confort des villas modernes et de belles cylindrées, l’utilisation addictive des smartphones et autre gadgets … Il n’y a pas plus de « kanak d’appartement » (Cf. Hyarison) que de kanak vivant encore selon ses coutumes en tribu, sauf dans l’esprit de certains penseurs nostalgiques voire un peu sectaires. Il y a autant « d’urbanité » en tribu que de « ruralité océanienne » en ville. Il serait temps de nuancer cette opposition artificielle, source de tensions. Des pratiques se reconfigurent dans ces nouveaux espaces. Elles préfigurent de la capacité des populations à créer du sens là où elles se trouvent.
Il n’est pas interdit de penser également que le renouveau culturel constaté dans les tribus soit le fait aussi de kanak qui ont vécu à Nouméa et qui ont souhaité revaloriser leur culture. Ainsi l’association Guahma 2000 (principalement créée par des parents Maréens du district de Guahma vivant sur Nouméa) a fait le choix de faire revenir leurs jeunes ressortissants à Maré pour leurs donner les bases de leur culture pendant la période des grandes vacances. Rappelons-nous du concept de « beauté kanak » évoqué par feu le Grand Chef et leader politique Nidoish Hnaisseline. L’urbanité peut renforcer la valorisation de la culture kanak comme elle peut aider à sa reformulation.
Toutefois, il est important de rappeler également que la vie en ville a permis à certains kanak d’échapper aussi à la pression de la vie communautaire (forme de « droit de retrait socioculturel ») et à goûter aux charmes de l’anonymat et du confort de la tranquillité. On note ainsi que les solidarités pour recueillir les membres de la famille qui viennent tenter leur chance sur Nouméa ou pour des questions pratiques (RDV au Médipôle) sont moins fortes, comme l’indique l’article de Christine Hamelin dans l’ouvrage collectif « En pays Kanak » de Leblic et Bensa : « La pratique de l’hébergement des ruraux par les membres de la familles établis à Nouméa est aujourd’hui davantage contestée par la seconde génération de citadins, elle reste cependant très répandue… » (p353).
B2. L’apport des pratiques urbaines des Océaniens pour…
On le voit bien les Océaniens et en particulier les kanak réécrivent leur urbanité dans tous les domaines : les squats avec leurs activités agricoles, le prolongement des activités coutumières et socioculturelles (apport des médicaments par les membres de la famille qui arrivent des îles ou de la Grande-Terre par exemple) en ville et dans les quartiers, les activités associatives et culturelles. Ils font émerger de nouveaux liens et de nouvelles formes de sociabilités.
B3. …des pistes de politiques publiques pour coconstruire la ville océanienne
La prise en compte des valeurs océaniennes dans l’habitat social et la multiplication des jardins publics sont révélatrices de ce changement de paradigme par les décideurs politiques. Il s’agit désormais d’océaniser nos politiques publiques pour une co-construction de la ville océanienne.
De même il serait nécessaire de valoriser de l’intérieur l’émergence de ces sociabilités de quartier sans injonction poussive des mairies pour des événements comme la fête des quartiers, qui tiennent parfois de la mise en scène.
Il faut sans doute continuer à valoriser ces dynamiques nouvelles de solidarités et favoriser l’interconnaissance des cultures et cette multi-appartenance : « si y a pas toi, y a pas moi ».
Il faut sans doute repenser l’aménagement de l’espace urbain et donner une identité océanienne (au sens large) à cette ville par les noms en langue des rues et une réappropriation des lieux avec des référents symboliques océaniens pour ancrer durablement ces lieux.
Conclusion
Vivre la ville Océanienne, c’est permettre de valoriser l’expression de cette océanité si riche dans sa diversité. Nous sommes déjà Océaniens quel que soit notre ethnie d’origine si nous aspirons à vivre dans ce beau pays.
Nous devons désormais co-construire ensemble cette ville pour qu’elle nous ressemble car elle nous rassemble.
Il faut qu’on partage des sensations communes. Avec une émotion, nous affirmons que nous pouvons faire société ensemble et cela, malgré nos différences et nos spécificités. En réalité, ce n’est pas l’affirmation de nos identités qui posent problème mais c’est leur négation qui nous empêchera d’avancer et de construire ». Citation du grand chef Nidoïsh Naisseline, reprise dans l’ouvrage Nidoïsh Naisseline de cœur à cœur, Walles Kotra (page 192).
Cet article est dédié à tous nos papas audacieux (qu’ils soient des Iles et de la Grande Terre) qui ont quitté leurs tribus (dans les années 60 et 70) pour tenter leur chance sur Nouméa… Ils ont su maintenir leurs valeurs et en construire de nouvelles (sans se renier) pour vivre la ville Océanienne : à Papa Tolly Eatene, à Papa André Wénéhoua, et d’autres…
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